Le monde est un village… divisé par un miroir sans teint!
Hier matin, comme pour terminer en beauté un week-end un peu trop chargé, j’ai été tiré de mon plus profond sommeil par l’accent mélodieux de notre ancien premier ministre Wilfried Martens. Du haut de mes vingt-cinq ans, cette voix me replonge irrémédiablement dans mon enfance. Le Heysel, le chômage, la dette publique… que de doux souvenirs me traversent l’esprit pour commencer la journée en beauté.
On pourrait se dire qu’il est bien étonnant de trouver une telle madeleine de Proust à plus de 6000 kilomètres de ses racines. Pourtant, à bien y réfléchir, cela n’a vraiment rien de surprenant. En effet, Jean-Pierre Jacquemin (RTBF) m’aide à sortir du lit au quotidien et Vivacité me berce tous les soirs.
C’est ce qu’on appelle « la mondialisation »… A moins que ce ne soit « la société de l’information et de la communication ». N’est-ce pas merveilleux d’être informé en temps réel des ralentissements du ring quand on est bloqué dans les embouteillages de Kin ? On n’arrête pas le progrès… D’ici, on peut suivre en direct un match du Standard ou de Westerlo et les exploits du PS carolo n’ont plus de secrets pour beaucoup de Kinois.
Pourtant, il y a quelques mois, alors que je préparais mon départ pour le Congo, j’avais bien des difficultés à me représenter ce que j’allais y rencontrer. Quel serait mon quotidien ? Le climat, le transport, les moyens de communication, la nourriture, la sécurité... autant d’inconnues auxquelles il fallait répondre. J’avais l’impression de m’enfoncer dans le brouillard. Ce n’est pas neuf, l’Occident ne reçoit de l’Afrique que les images biaisées des catastrophes humanitaires et du Dakar. Je pensais atterrir dans la brousse alors que le téléphone portable est aussi performant ici qu’en Europe et qu’on trouve de tout (à prix d’or) dans les supermarchés de la ville. L’information circulerait-elle à sens unique ? Evidemment! Et c’est bien là le problème !
La pauvreté est le lot de l’immense majorité des Africains. Mais avoir faim en fixant des yeux le festin du voisin est encore bien plus douloureux... Ici, on regarde Desperate Housewife le ventre vide!
Chaque jour, les médias invitent l’ensemble du continent noir à la table de l’Occident sans qu’il ne puisse prendre part au repas. Dans l’indifférence et l’anonymat, les Africains assistent à la fête de la consommation et rêvent en silence de belles voitures et de grands couturiers. On voit à Kinshasa les mêmes images qu'à Paris. Mercedes, Dior et Armani sont ici presque aussi vénérés que Jésus-Christ. La prospérité est d’ailleurs la promesse préférée des pasteurs autoproclamés.
Sur la planète, le rideau de fer d’hier a donc laissé la place à un miroir sans teint. Ce miroir sans teint permet à l’Occident de consommer en toute sérénité. On a la conscience qui tire lorsqu’on refuse l’aumône à un pauvre dans la rue. Mais face à un miroir qui ne nous renvoie que notre propre image, on a beaucoup moins de scrupules à accumuler. Peu importe si de l’autre côté du miroir, 3 milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars par jour. Peu importe s’ils assistent au spectacle avec avidité.
Le monde est effectivement devenu un village. La communication a fait fondre les distances. Notre voisin est aujourd’hui africain et il épie nos moindre faits et gestes. Sous ses yeux, nous étalons notre pouvoir d’achat et notre confort matériel. Quand on y pense, on regarde différemment une publicité Royal Canin…