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Du Cabiau à Kinshasa

11 novembre 2008

Fin!

Chers visiteurs,

Pour différentes raisons indépendantes de notre volonté, "Du Cabiau à Kinshasa" doit fermer. Nous regrettons cette situation. Avec son millier de visiteurs par semaine, ce site voulait être un outil de décloisonnement et d'échanges. Nous arrêtons en espérant que ces deux années de partage n'auront pas été veines.

Un certain nombre d'articles importants ont du être retirés. Vous pourrez cependant en retrouver les meilleurs extraits sur différents sites qui ont repris et/ou traduit des articles du Cabiau à Kinshasa : www.mouvements.be, www.globalvoicesonline.org, www.congoforum.be, www.btcctb.org ...

Nous vous remercions pour votre incroyable fidélité et vos très nombreuses marques de soutien.

Cordialement,

Cabiau

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1 octobre 2008

Kinshasa au fil du temps...

IMG_1082On ne vit pas bien longtemps à Kinshasa. Ni les choses, ni les gens. Comme si chaque pluie amenait avec elle son lot de changements… tant pis pour les moins résistants. Ici, tout est éphémère, en perpétuelle mutation. Rien n'est durable et la ville est déjà bien différente de celle que j’ai découverte il y a deux ans.

Il y a deux ans, les routes étaient défoncées et les militaires armés jusqu’aux dents. La tension était palpable. En dehors du risque d’affrontement, il y avait deux autres dangers particuliers : les véhicules qui slalomaient pour éviter les trous et les escortes de personnalités qui fendaient la circulation à tombeau ouvert. Aujourd'hui, l'Union Européenne et l'Office des routes ont rebouché pas mal de trous. Les belligérants ont disparu et les escortes se font plus rares. La ville respire un peu mieux.

A l’époque, les corbillards ressemblaient à des ambulances, gyrophares et sirènes de circonstance. Les ambulances quant à elles, brillaient par leur absence. Aujourd’hui, on croise quelques ambulances et les corbillards ont cessé leurs hurlements trop bruyants. Priorité aux vivants !!!

IMG_1090Auparavant, les taxis aimaient transporter quelques passagers supplémentaires accrochés à l’extérieur du véhicule. Ils ont du y renoncer. L’overbooking dans les transports en commun, ça faisait désordre. Par la même occasion, le gouvernorat leur a demandé de ressembler à des taxis. Partager un signe distinctif, ça peut servir à la clientèle. Les couleurs patriotiques ont été retenues mais tout le monde n’a pas les moyens de se payer une beauté. Il faut donc toujours être initié pour pouvoir se déplacer.

IMG_1088A l’époque, je suis arrivé en même temps qu’une cargaison de 200 bus indiens flambant neufs. Des Tata pour la STUC. Ils avaient fière allure, au début. Deux ans plus tard, les trois quarts sont au cimetière. C'est vrai, l’entretien n’est pas une spécialité locale. Le mot n'a, paraît-il, pas d'équivalent en Lingala. Mais quand la moitié des passagers entrent par les fenêtres, ça n'aide pas. Heureusement, des « occasions d’Europe » ont pris la relève. Mais Dieu sait combien de temps ils résisteront aux assauts quotidiens des navetteurs. Les vitres sont déjà en lambeaux...

Pour les réparer, les Chinois ont débarqué. Ils se mettent à tous les métiers et vont tout redresser. En tous cas, ils ont l’air plus solides que la camelote qu’ils importent. Depuis mon arrivée, je dois avoirs mis hors d'usage une demi-douzaine de leurs robinets, autant de chasses d’eau et le double de serrures. C'est bien simple, plus rien ne fonctionne dans ma salle de bains. Certains disent que les infrastructures promises seront à "usage unique"...

IMG_2992De leur côté, les policiers ont rangé leur look « playmobile » pour une tenue plus conventionnelle. Le jaune leur donnait pourtant un air sympathique. Malheureusement, ils n’ont pas perdu leurs mauvaises manières. Pour leur défense, il faut reconnaître qu'ils ne sont pas grassement payés et qu'en leur absence, la ville est paralysée. Mais toujours est-il que l’automobiliste pressé ne partira pas sans quelques liquidités à distribuer aux « responsables du carrefour ». Les plus téméraires, quant à eux, appuieront sur le champignon à la moindre injonction.

En tous cas, les banderoles « changement des mentalités » ont disparu. Peine perdue ou objectif atteint ? Personne n’ose se prononcer. Une chose est sure, il y a deux ans, c’était « Lopele » qui faisait danser. Wazekwa et Werra sont passés par là. On est aujourd'hui au « Temps présent »...

15 septembre 2008

Noble Belgique...

Il y a quelques semaines, je suis passé furtivement en Belgique. Juste le temps de dire au revoir à la CTB et d'endosser ma nouvelle casquette d’ong. Curieusement, j’ai parcouru plus de douze mille kilomètres pour… traverser le boulevard Lumumba. Mon nouveau bureau est en effet à un jet de pierre du précédent. A l’heure d’internet, ce billet d’avion était aussi absurde que l’eau de Spa que l’on trouve dans les supermarchés kinois. Mais bon, on est plus à une contradiction près dans la coopération au développement.

Brussels_airlinesCeci dit, mon passage en coup de vent au pays m’a fait le plus grand bien. Après une dizaine de mois sous les tropiques, j’avais presque oublié le confort d’un bon matelas et le goût de la trappiste. Comme tous les expats, j’affectionne particulièrement ces retours aux sources. C’est l’occasion de revoir ses proches, de retrouver ses racines. C’est aussi des moments privilégiés pour prendre de la hauteur par rapport au quotidien un peu particulier qui est le nôtre.

Les premiers instants du retour sont toujours très particuliers. A la sortie de l'avion, tous les sens sont en éveil. Les idées se bousculent. Le regard part dans tous les sens, s’accroche à tout ce qui passe. On se met à comparer, à relativiser. On redécouvre. On s’étonne. On s’interroge. L’espace de quelques instants, on retrouve les yeux, l’émerveillement et la curiosité d’un petit enfant.

Chaque retour est différent, mais ces premières heures sont toujours aussi riches et passionnantes. Je les chéris. J’étais parti en l’Afrique pour prendre du recul par rapport à la société qui m’entourait. Lorsque je remets les pieds sur ma terre natale, c’est comme si je pouvais enfin cueillir et savourer un fruit arrivé à maturation.

liegeAlors qu’est-ce qui m’a frappé cette fois ? Que me suis-je dit en sortant de l’avion, en parcourant les rues de Liège et de Bruxelles ?

A vrai dire, je suis à chaque fois fasciné. Véritablement émerveillé devant la complexité de notre société, son degré d’aboutissement, l’ampleur de ses infrastructures et la beauté de ses réalisations.

Par dessus tout, j'admire l’équilibre social qui règne dans ce pays. A Bruxelles, personne ne meurt de faim. A Liège, personne ne gagne mille fois plus d'argent que son voisin. Tous les enfants vont à l’école et les hommes sont égaux devant la loi.

La sécurité sociale, la gratuité de l’enseignement, des soins de santé pour tous, de l'eau et de l'électricité dans chaque foyer… C'est véritablement extraordinaire ! Existe-t-il dans l’histoire de l’humanité société plus juste, libre et équitable que notre vieille Europe? On réalise pleinement l’ampleur de ce miracle lorsqu’on prend la peine de s’en éloigner.

liegeAu fil des heures, on retrouve ses marques. On retrouve les siens. On raconte. On écoute. En  levant le nez, on voit les drapeaux belges pendus aux fenêtres. L’admiration faiblit. On lit la presse et l’on réalise que notre belle société équilibrée a des caprices de star, qu’elle se comporte comme un enfant gâté. Serions-nous en train de tout gâcher? Pour des questions de langues, de clichés… Quelle médiocrité! Quelle tristesse! Nous étions un modèle nous serons bientôt la risée...

23 juillet 2008

Kinshasa est baroque...

« Le baroque est un style qui se caractérise par l’exagération du mouvement, la surcharge décorative, les effets dramatiques, l’exubérance et de la grandeur parfois pompeuse. »

ndomboloAlors, Kinshasa est incontestablement baroque. La simplicité est rarement du goût des kinois. A la sobriété, ils préfèrent la surabondance. De l’architecture à la musique, de la danse à l’habillement. Ici, on force le trait. En particulier quand il s'agit de frimer, on aime l’excès.

Le ndombolo en est une belle illustration. Aujourd'hui, c’est «la» musique kinoise par excellence. Une musique et une danse nées ici et qui font bouger les filles jusque Dakar et Abidjan. C’est la fierté de tous les Congolais.

Généralement, les (très) longs morceaux de ndombolo commencent doucement pour évoluer vers le «sebene», la partie déjantée de la chanson, ces quelques minutes où la piste de danse entre en ébullition. Les riffs de guitares sont alors ininterrompus et le rythme ultracadencé. Là dessus se greffent les chanteurs et les ambianceurs qui donnent de la voix… en même temps! Pour le profane, cette partie est presque inaudible tant le style est chargé. C'est pourtant le coeur de l'ambiance kinoise.

Après un an et demi de Kinshasa, j’ai encore bien du mal à distinguer la différence entre Werrason, JB Mpiana ou Wazekwa. Mais je dois admettre que j’ai pris goût à cette joyeuse cacophonie. Lorsque les décibels s'affolent, impossible de rester assis. Si l’on se donne la peine de s’aventurer sur la piste, au milieu des miroirs et des déhanchements endiablés, on ne peut que succomber. On est alors entraîné dans des chorégraphies délirantes que tout bon kinois connaît sur le bout des doigts. C’est le feu. De la folie furieuse. C’est Kinshasa.

werrason_temps_presentIci, le ndombolo est une véritable religion. Malheureusement, son message est creux. Les paroles glorifient généralement la sape, les filles et… les sponsors. C'est le phénomène «libanga». Moyennant quelques centaines de dollars, une entreprise, une marque de bière, un homme politique ou un officier de l’armée peut voir son nom placé dans la chanson. On compte souvent plusieurs dizaines de ces dédicaces par morceau. La musique n’est plus qu’un support publicitaire. Curieusement, cela ne semble pas émouvoir grand monde. Au contraire, on se bat pour être cité dans le prochain tube de l’année.

Comme la «sape» et bien d’autres phénomènes sociaux ou musicaux, le «libanga» est né à Kin pour se répandre par la suite à travers continent. Kinshasa, c’est l’Afrique de l’Afrique. C’en est à la fois le cœur et la caricature. Comme un aimant, le noyau attire à lui ce qui l’entoure. Les éléments convergent vers Kinshasa. Une fois au cœur du cyclone, ils se mélangent, se transforment, renaissent et rejaillissent. Même si la ville a perdu de sa superbe, c’est ici que surgissent nombre d’influences qui se propagent ensuite alentours. Kinshasa est un bouillon de cultures. C’est le cratère du volcan. Tout ici est exacerbé... baroque…

26 mai 2008

Pour ne pas exploser, Kinshasa se paie vers le bas...

affiche_Enfant_2004_2Il y a quelques jours, c’était le festival du film européen de Kinshasa. Pas grand-chose à voir avec le festival de Cannes, ses strass et ses paillettes. Ici, plus modestement, les différentes ambassades du vieux continent sont invitées à partager une création de leur cru avec les cinéphiles congolais.

C’était l’occasion pour moi de découvrir une palme d’or des frères Dardenne dont la projection avait été proposée par l’ambassade de Belgique. Du cinéma social, excellente stratégie pour ôter aux spectateurs étrangers toute envie d’émigrer en Belgique. 

La soirée était agréable. Tout se passait pour le mieux jusqu’à ce qu’un message d’erreur apparaisse au milieu de l’écran. L’icône prenait un tiers du cadre et rendait la visualisation du film vraiment difficile. Pourtant, pas un bruit dans la salle. Pas même un murmure. Au bout de dix minutes de rage grandissante, Charline qui se trouvait à côté de moi se décide à crier : « Il n’y aurait pas un responsable dans cette salle pour arranger cet écran ? C’est vraiment gênant ! » Toujours rien ! Elle se lève, va chercher de l’aide… sans succès. La salle apathique continuait à regarder ce film à peine visible sans broncher. Il en fût ainsi jusqu’à la fin.

Si l’œuvre des frères Dardenne a été gâchée, et je ne vous cache pas mon amertume du moment, l’expérience n’en fût pas moins intéressante. En effet, après réflexion, il me semble que l’on peut voir dans l'attitude de cette salle un début d’explication à l’absence d’émeutes de la faim à Kinshasa.

Observant la vie à Kinshasa, la pénibilité du quotidien, on est en droit de se demander comment il est possible de survivre dans un tel environnement. Comment cette ville n’entre-t-elle pas dans une colère dévastatrice ? Comment ne plonge-t-elle pas dans le chaos alors que les structures étatiques semblent encore bien fragiles pour pouvoir l’en empêcher ? Sans structures formelles efficaces, cette ville devrait se désintégrer ou au moins, mourir à petit feu.

kimLa montée des prix des denrées alimentaires devait être la goutte, la dernière, celle qui ferait déborder le vase. Et pourtant non!  Pas encore. Kinshasa continue à vivre, à porter son fardeau. Sa souffrance est un peu plus intense aujourd’hui qu’hier mais l'équilibre tient toujours. Curieusement, cette stabilité est peut-être moins fragile qu’il n’y paraît. Kinshasa supporte.

On dit chez nous qu’il faut laisser l’indignation aux nobles causes. Ici, les causes ne semblent jamais assez nobles pour se révolter. Plusieurs décennies d'un régime progressivement décadent et une interminable transition ont cassé le ressort de la population. Beaucoup ont perdu l’espoir et la souffrance est aujourd’hui supportée avec une certaine fatalité.

Au fil des ans et des désillusions, s’est développée une réelle tolérance à la médiocrité. N'espérant plus rien recevoir rien d’en haut, la population accepte docilement toute une série d’anormalités qui font son quotidien : des infrastructures exsangues, les coupures d’eau et d’électricité quotidiennes, des conditions de transport inhumaines, des salaires impayés, une corruption prédatrice… L’apathie de la salle devant ce film à peine visible reflète un peu cet abaissement du niveau général d’exigence. Accepter parce que toute autre attitude serait vaine.

Kinshasa a ainsi pris le pli de l’indolence. Et c’est probablement cette posture face à l’adversité, cette tolérance à la médiocrité qui lui permet précisément de survivre sans sombrer dans le chaos. La débrouille individuelle plutôt que la révolte collective. Voilà le secret de la stabilité.

Av_KasaiMais cette débrouille généralisée a un prix. A tous les niveaux de la société, chacun tente de profiter au maximum de son influence, de ses privilèges. Autrement dit, désespéré de recevoir quelque chose d’en haut, chacun se paie vers le bas. Chacun marche sur ceux qu’il peut écraser. Plutôt que de revendiquer sans espoir, on use de son pouvoir, aussi petit soit-il, pour encaisser les chocs et s’adapter à l’adversité.

C’est ainsi que la hausse des prix est digérée par la société. Chacun exigeant un peu plus de ceux sur qui il exerce une forme ou une autre d’influence. Le policier demandera un peu plus à l’automobiliste, le journaliste à l’homme politique, l’enseignant aux parents d’élèves… et ainsi de suite. Reste qu’une frange importante de la population se trouve forcément en bas de cette pyramide sociale. Ceux là n’ont personne sur qui se payer pour compenser la hausse des prix. Mais ceux là sont à ce point marginalisés, à ce point fragilisés qu’ils n’ont aucun moyen de contester le système. Ils encaissent les chocs, impuissants, développant un peu plus leur tolérance à la souffrance… jusqu’au jour du point de non retour. Le jour de la goutte d’eau qui, comme au début des années 1990, plonge la ville dans le chaos et redistribue les cartes du jeu… l’espace d’un instant. 

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30 avril 2008

L'union fait la force...

 

 

 

DeGucht280408250Depuis quelques jours, Kinshasa ne parle plus que de ça. Pour être plus précis, on ne parle que de lui. Lui, c’est notre bulldozer des affaires étrangères. Une fois encore, il s’est illustré par sa finesse et son sens de la diplomatie. Et dire que la dentelle est une spécialité brugeoise et le compromis, une affaire belge...

 

 

 

Sur le fond, personne ne peut lui donner tort. La corruption gangrène le Congo et certains n’hésitent pas à profiter de leur situation pour s’accorder des privilèges qui dépassent l’entendement. Fermer les yeux serait de la complicité. Mais il y a le moment et la manière de l'ouvrir. On ne s’adresse pas au président légitimement élu d’un Etat souverain comme on le ferrait à son fils ou à un mauvais élève. Pourquoi cette sortie publique humiliante ? Pourquoi ne pas avoir souligné les progrès réalisés ? On peut se demander les motivations de cette « franchise » inhabituelle.

 

 

 

de_gucht_chineCurieusement, ce n’est qu’à Kinshasa que Monsieur De Gucht suscite la polémique. Les Congolais seraient-ils plus susceptibles que les autres ? Non. Je pense que notre ministre leur réserve des propos qu’il ne se permet pas ailleurs. Je ne me souviens pas avoir déjà entendu Monsieur De Gucht s’adresser de la sorte à un autre chef d’Etat. Sommes-nous allés à Washington pour dénoncer publiquement les atteintes aux droits de l’homme de Guantanamo ? Sommes-nous allés à Pékin pour parler haut et fort de liberté d’opinion ? Au contraire, ceux-là ont droit à nos « missions économiques » princières et aux discours consensuels. En revanche, il semble qu’au moment de s’adresser au Congo, certaines autorités belges ne peuvent se défaire de vieux réflexes paternalistes, une arrogance d’un autre âge.

 

 

 

D’aucuns y voient aussi une réaction épidermique par rapport aux nouveaux contrats passés avec la Chine. La Belgique réclamerait son du après son investissement dans le processus électoral. Les sorties de notre ministre traduiraient donc une certaine jalousie. La Belgique manifesterait ainsi un sursaut d’orgueil. Ses intérêts géo-stratégiques seraient menacés. Son influence en péril… Je ne le crois pas.

 

 

 

mineCertes, les opérateurs économiques occidentaux ont ri jaune en voyant les chinois leur damer le pion. Les Belges ont été logés à la même enseigne. En business pas de droit d’aînesse.  Mais il ne faut pas se faire d’illusion. Les grands investisseurs étrangers en RDC ne sont plus de chez nous. Les forestiers, les miniers, les diamantaires, les importateurs… sont ici indiens, américains ou sud africains. Si quelques entreprises belges ont pu se sentir lésées par le « troc du siècle » avec la Chine, je ne pense pas que cela puisse dicter la politique étrangère de la Belgique. Selon moi, le motif économique n’explique pas les excès de notre ministre. Je dirais même que c’est parce que la Belgique n’a plus trop à y perdre qu’elle peut se permettre une franchise déplacée.

 

 

 

albert_premierPersonnellement, je suis plus enclin à penser que les  propos de Monsieur De Gucht sont dictés par une opinion publique flamande conquérante et décomplexée, pragmatique et intransigeante. Fière de sa réussite économique, la classe politique flamande traite aujourd’hui avec le Congo comme elle l’a fait avec la Wallonie en déclin. Sure de ses méthodes, elle se présente en donneuse de leçon. Elle se sent investie d’une mission : remettre de l’ordre dans tout çà.

 

 

 

Dans le cas qui nous occupe, Monsieur De Gucht est coiffé d’une casquette fédérale. Mais à travers son discours, il se fait le relais de l’électorat flamand. Ses propos ne reflètent pas la position belge parce qu’il n’y a pas « une » position belge. Les incohérences au sein même du gouvernement illustrent clairement la dualité de notre opinion publique.

 

 

 

StanleyLa Belgique a toujours été le point de rencontre des cultures latines et germaniques. Aujourd’hui, cette incapacité à tenir un discours cohérent vers l’extérieur traduit à merveille ce conflit d’influences. Dans le chef des politiques francophones, on perçoit une démarche plus proche de la logique « France-afrique » alors que la diplomatie à la flamande ne s’encombre pas de copinages et de langue de bois. A priori, je préfère le franc-jeu flamand à l’hypocrisie de certains discours. Mais l’honnêteté ne doit pas nous dispenser de respect.

 

 

 

Les liens entre nos deux pays sont très particuliers. Nous sommes intimement liés et la Belgique peut jouer un grand rôle dans la reconstruction du Congo. D’abord parce que l’expertise belge en Afrique centrale est de grande qualité. Mais aussi parce que la Belgique est et restera le meilleur avocat de la RDC sur la scène internationale. L’engagement important de l’Union Européenne au Congo n’est pas le fruit du hasard. 

 

 

 

Il n’y a pas de doute, nous avons l’un et l’autre tout à gagner d’un partenariat fort et ambitieux entre nos deux Etats. Le Congo est en ruines et la Belgique est un confetti dans le monde. Travailler ensemble est une nécessité. Mais pour cela, il faudra commencer par respecter ce pays. Le traiter d’égal à égal…

15 avril 2008

A quand les émeutes de la faim...

crash_gomaAlors que les 5 chantiers du Président pointaient enfin le bout du nez, voilà que le sort s'abat une nouvelle fois sur le Congo-Kinshasa. Pourtant, le pire n'est pas là où on croit...

A la une des médias, on apprend qu'un avion est encore tombé sur la RDC. Cette fois, c'est un gros porteur, avec une centaine de passagers à bord. Il était affrété par la meilleure compagnie du pays. Faut pas demander... Mais le principal drame de ce printemps 2008 n'est pas celui-là. Il est plus sournois.

C'est bien connu, un arbre (ou un avion) qui tombe fait plus de bruit qu'une forêt qui pourrit. Et en matière de douleurs oubliées, la RDC a déjà donné.Le pays vient de connaître le conflit le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale sans émouvoir outre mesure les médias occidentaux. Un avion qui tombe suscite l'émoi et l'intérêt journalistique. Comme les moines tibétains, c'est un symbole fort qui touche les gens. Alors, quelques voix se lèvent et l'opinion s'indigne... un peu.

march_Je ne conteste pas la pertinence de certaines causes médiatiques. Mais je constate seulement qu'il y a deux poids, deux mesures. L'Afrique souffre en silence de ses trous noirs (cfr. BHL). Ces concentrations de misère et de douleur auxquelles personne ou presque ne s'intéresse. Les victimes somaliennes ou congolaises ne bénéficiceront jamais du feu des médias... pas l'ombre d'une caméra. Ils faut croire que ces dizaines de milliers de femmes violées, ces centaines de villages pillés et ces populations terrorisées méritent moins de considération que l'équipage d'un voilier de luxe. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi. 

Aujourd'hui, un nouveau drame se profile avec la flambée des prix. Des millions de personnes voient la famine fondre sur elles. Ce matin, je lisais dans la presse locale : "En moins d’une semaine, les prix des produits de première nécessité ont quasi doublé sur le marché kinois. Les mamans déboussolées ne savent plus à quel saint se vouer." En silence, ces prix ont pris l’ascenseur. La mesure de farine de manioc est soudainement passée de 100 à 150 fc, celle de maïs de 150 à 200 fc. Le sucre a augmenté de 25% en quelques jours et les haricots de 50%.

L'inflation, c'est moins impressionnant que la chute d'un Antonov. C'est moins sexy pour l'audimat. Pourtant les conséquences risquent d'être bien plus catastrophiques. Faut-il attendre des émeutes de la faim à Kinshasa pour espérer une réaction?

20 mars 2008

Ceci n'est pas une fiction...

potenceVoilà un an que je passais tous les jours devant cette étrange potence. Un vestige d’une autre époque dont je me demandais bien l’utilité passée. Elle trône sur le boulevard Kasa-Vubu dans la commune de Bandal. Je me disais qu’elle avait du en son temps suspendre un panneau de signalisation… une publicité peut-être.

Je n’en avais pas fait une obsession. La question ne m’empêchait pas de dormir. Ce genre de mobilier urbain désuet n'est pas rare à Kinshasa. A vrai dire, j’en avais complètement oublié l’existence… jusqu’à jeudi dernier.

Alors que je partageais une Primus avec un ami dans un vieux bar du centre ville, un « papa » s’est présenté à nous avec un guide touristique du Congo-Belge rédigé en flamand en 1958. Ce genre d’ouvrage attire généralement mon attention. Il y a souvent quelques perles à y découvrir. Le pays a tellement changé…

Mais quelle ne fut pas ma surprise d’y retrouver la vieille potence de Bandal. Sur la photo, on l’aperçoit surplombant… un bus!?!? En une photo, ma curiosité était aiguisée. Je devais en savoir plus. Cette ville aurait-elle connu des transports publics performants? De l’électricité de qualité??? Il fallait faire la lumière…

gyrobus_leopoldstadLes technologies modernes m’ont rapidement permis d’élucider le mystère. Sur internet, j’ai ainsi pu découvrir que Léopoldville avait servi de laboratoire géant pour un réseau de transport en commun… hors du commun. Au début des années cinquante, une firme suisse avait mis au point un nouveau type de bus révolutionnaire. Le Gyrobus : un véhicule électrique sans câble jamais rencontré auparavant.

Le concept technique est fascinant. Il mérite le détour. Pour faire simple, une borne électrique de rechargement est installée tous les deux kilomètres et permet de relancer un volant de 1500kg (1,6m de diamètre) suspendu sous le véhicule. Celui-ci, en tournant à très grande vitesse (3000 tours/min.), emmagasine l’énergie nécessaire pour rejoindre l’arrêt suivant. Il faut alors 30 à 120 secondes pour faire le plein d'énergie en redonnant au volant sa pleine rotation.

reisgidsLes 12 gyrobus de Kinshasa parcouraient alors quatre lignes. Ils pouvaient chacun embarquer 90 personnes à plus de 60km/h.

Seules trois villes au monde ont vu circuler ces véhicules précurseurs : la ville suisse du constructeur, Gand et Kinshasa.

Malheureusement, on ne peut pas dire que l’initiative ait été couronnée de succès. Après quatre ou cinq années de fonctionnement, les gyrobus ont disparu de la circulation. Plusieurs raisons ont été évoquées. Les véhicules auraient souffert d’une usure précoce, ils auraient mal supporté l’humidité locale et les chauffeurs auraient pris trop de raccourcis sur des pistes en terre d’ou il était bien difficile de les extraire une fois les batteries déchargées.

Mais en ces temps de réchauffement climatique et de métropoles asphyxiées, alors que Kinshasa est paralysée par les embouteillages et que j’ai tout le mal du monde à allumer une ampoule de 30 watt dans ma maison… ce projet laisse rêveur.

12 mars 2008

Des pains en or...

pain_victoireIl y a quelques semaines, par un heureux hasard, je me suis retrouvé autour d'une pizza avec le directeur d'une grande entreprise brassicole de la place. Comme la musique ou la religion, le houblon est un acteur clé de la vie kinoise. Dans les coins les plus inaccessibles de la capitale, par delà le sable et les érosions, là où il n'y a ni routes ni électricité, la bière est fraîche et abondante.

Au début des années nonante, alors que deux vagues de pillages ruinaient durablement le pays, les brasseries étaient curieusement épargnées... Cela donne une idée de l'importance du personnage sur la scène économique et sociale (!!!) locale. L'homme a une multitude d'anecdotes invraisemblables à partager. Il connaît la ville comme sa poche. Bonheur! Je buvais du petit lait.

Selon lui, il y a trois secteurs particulièrement porteurs à Kinshasa: les télécommunications, la bière et... le pain. Pour les deux premiers, pas de doute possible. La concurrence est acharnée et les publicités colorent la ville. Des milliers de commerces sont repeints à grands frais aux couleurs du sponsor le plus offrant.

victoirePour le pain, cela me semblait moins évident. Je connaissais bien quelques "usines de panification" (= boulangerie industrielle kinoise), mais à cent francs la baguette (0,2$), j'étais loin d'imaginer qu'il s'agissait d'une mine d'or. Depuis cette rencontre, les faits ont confirmé ces prédictions. J'ai ouvert ma propre boulangerie et je suis devenu millionnaire... ... Bon, je plaisante. Mais un autre que moi a connu cette chance. Une immense usine de panification a ouvert ses portes à quelques encablures du stade des martyrs. Les "pains victoires" ont envahi la capitale. Des centaines de mamans sillonnent désormais la ville, leur précieuse cargaison sur la tête. Werrason, la star de la chanson, les a rebaptisés "kanga journée": un pain et tu n'as plus faim... jusqu'au lendemain.

Le revers de la médaille, c'est l'origine de la farine... systématiquement importée! Comme trop de produits consommés ici, chaque pain est un transfert au profit des agro-alimentaires multinationaux. Américains, européens ou brésiliens les heureux producteurs de blés ne parlent pas un mot de Lingala. Dans ce pays au potentiel agricole exceptionnel, n'y a-t-il donc pas moyen de consommer congolais? On en reparlera...

7 mars 2008

Pour attirer le client...

Apocalypse

A Kinshasa, on peut dire que la religion est dans tout et parfois même... tout dans la religion. Les Kinois sont très croyants. Comme souvent en Afrique, il est inconcevable de ne pas appartenir à une religion ou de manquer le culte hebdomadaire. Dieu existe. C'est une certitude!

A côté des trois grandes églises traditionnelles (catholique, protestante et kimbanguiste) une multitude d'églises de réveil fleurissent à travers la ville. Elles font chanter les foules et déchaînent les passions.

Évidemment, il y a à boire et à manger dans ces nouvelles formes de spiritualité. De nombreux pasteurs autoproclamés s'enrichissent sur la crédulité de leurs fidèles. Certains peuvent aussi tenir des discours véritablement destructeurs. Le phénomène des enfants sorciers rejetés de leur famille en est le pire exemple.

Dans tous les cas, quelle que soit l'interprétation qui en est faite, la Bible est partout. Ainsi, il n'est pas rare de voire des versets de l'Evangile sur les vitres des taxis ou sur la devanture des magasins. Lorsque la place manque pour écrire une phrase en entier, ses références suffiront... Nul n'est sensé ignorer la Parole de Dieu! Pas sur pourtant que "Apocalypse 22" séduira le touriste de passage...

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