Kinshasa au fil du temps...
On ne vit pas bien longtemps à Kinshasa. Ni les choses, ni les gens. Comme si chaque pluie amenait avec elle son lot de changements… tant pis pour les moins résistants. Ici, tout est éphémère, en perpétuelle mutation. Rien n'est durable et la ville est déjà bien différente de celle que j’ai découverte il y a deux ans.
Il y a deux ans, les routes étaient défoncées et les militaires armés jusqu’aux dents. La tension était palpable. En dehors du risque d’affrontement, il y avait deux autres dangers particuliers : les véhicules qui slalomaient pour éviter les trous et les escortes de personnalités qui fendaient la circulation à tombeau ouvert. Aujourd'hui, l'Union Européenne et l'Office des routes ont rebouché pas mal de trous. Les belligérants ont disparu et les escortes se font plus rares. La ville respire un peu mieux.
A l’époque, les corbillards ressemblaient à des ambulances, gyrophares et sirènes de circonstance. Les ambulances quant à elles, brillaient par leur absence. Aujourd’hui, on croise quelques ambulances et les corbillards ont cessé leurs hurlements trop bruyants. Priorité aux vivants !!!
Auparavant, les taxis aimaient transporter quelques passagers supplémentaires accrochés à l’extérieur du véhicule. Ils ont du y renoncer. L’overbooking dans les transports en commun, ça faisait désordre. Par la même occasion, le gouvernorat leur a demandé de ressembler à des taxis. Partager un signe distinctif, ça peut servir à la clientèle. Les couleurs patriotiques ont été retenues mais tout le monde n’a pas les moyens de se payer une beauté. Il faut donc toujours être initié pour pouvoir se déplacer.
A l’époque, je suis arrivé en même temps qu’une cargaison de 200 bus indiens flambant neufs. Des Tata pour la STUC. Ils avaient fière allure, au début. Deux ans plus tard, les trois quarts sont au cimetière. C'est vrai, l’entretien n’est pas une spécialité locale. Le mot n'a, paraît-il, pas d'équivalent en Lingala. Mais quand la moitié des passagers entrent par les fenêtres, ça n'aide pas. Heureusement, des « occasions d’Europe » ont pris la relève. Mais Dieu sait combien de temps ils résisteront aux assauts quotidiens des navetteurs. Les vitres sont déjà en lambeaux...
Pour les réparer, les Chinois ont débarqué. Ils se mettent à tous les métiers et vont tout redresser. En tous cas, ils ont l’air plus solides que la camelote qu’ils importent. Depuis mon arrivée, je dois avoirs mis hors d'usage une demi-douzaine de leurs robinets, autant de chasses d’eau et le double de serrures. C'est bien simple, plus rien ne fonctionne dans ma salle de bains. Certains disent que les infrastructures promises seront à "usage unique"...
De leur côté, les policiers ont rangé leur look « playmobile » pour une tenue plus conventionnelle. Le jaune leur donnait pourtant un air sympathique. Malheureusement, ils n’ont pas perdu leurs mauvaises manières. Pour leur défense, il faut reconnaître qu'ils ne sont pas grassement payés et qu'en leur absence, la ville est paralysée. Mais toujours est-il que l’automobiliste pressé ne partira pas sans quelques liquidités à distribuer aux « responsables du carrefour ». Les plus téméraires, quant à eux, appuieront sur le champignon à la moindre injonction.
En tous cas, les banderoles « changement des mentalités » ont disparu. Peine perdue ou objectif atteint ? Personne n’ose se prononcer. Une chose est sure, il y a deux ans, c’était « Lopele » qui faisait danser. Wazekwa et Werra sont passés par là. On est aujourd'hui au « Temps présent »...