Kimbanseke...

Avant de parler de Cabiau, de son travail et des défis à relever, il est nécessaire de planter le décor dans lequel il va tenter de “jouer”.

Kimbanseke : une commune de près d'un million d'habitants oubliés à la sortie de Kinshasa. Lorsque l'on prononce ce mot, la plupart des Kinois lèvent les yeux au ciel en disant : “Mais Kimbanseke, c'est foutu là-bas!”. Effectivement, il n'y a pas beaucoup de raisons d'espérer dans cette banlieue anarchique de la capitale. La population y vit dans la pauvreté absolue. L'urbanisation est galopante. Les habitants souffrent de sous-alimentation, de malnutrition et de violations massives des droits de l’homme. Un bidonville à la sauce congolaise. Il n'y a pratiquement pas d'électricité, pas d'égouts, encore moins d'eau potable. Tout est construit sur du sable. Des glissements de terrains emportent les familles. 75% des adultes sont analphabètes... Le délabrement est généralisé. En 2000, une étude de l'Université d'Anvers a mis en lumière la démission de l'Etat dans la commune. En voici quelques passages édifiants:

« La commune de Kimbanseke est problématique par excellence. Le Bourgmestre (NDLR: il est nommé par le Président de la République) fonctionne comme un patriarche omnipotent et omniscient. Il arrive généralement au bureau vers 16 heures pour récolter l’argent qui a été collecté par ses agents placés dans les marchés locaux...

Il ne tient guère de réunions avec ses services techniques. Seulement avec les services de sécurité à l'occasion de l’arrivée d’une autorité politique dans sa commune. Dès l’autorité partie, la prochaine réunion se tiendra à la prochaine visite officielle...

Sur les trente quartiers qui composent sa Commune, le Bourgmestre n’en a visité que trois. Il n’est pas préoccupé par la connaissance de son entité administrative. Quand il est invité par une ONG, il exige qu’on prenne en charge ses frais de déplacement et qu’on lui réserve un montant à titre de cadeau... Les agents de recouvrement financiers n'étant pas bien payés, ils empochent près de 80% des taxes effectivement perçues. Les 20 % restant sont la propriété privée du Bourgmestre...

Il existe au moins trois services communaux par bureau avec une moyenne de 75 agents. Il y a une forte chaleur à cause de la promiscuité. Les bureaux ne sont pas meublés. La plupart des agents sont débout. Une petite table est donnée au Chef de service qui lui-même fait un effort pour se trouver une chaise. Il n‘y a pas de papier et de bics pour écrire. Il existe seulement deux anciennes machines à écrire dans la Commune. Ces machines ne fonctionnent pas bien. Les différents registres sont devenus vétustes. Les quelques agents qui veulent être pris au sérieux viennent avec leurs propres chaises et tables. A l’exception des services générateurs de recettes, les autres services sont dans un état léthargique désolant. Ce manque de commodité fait que chaque service technique se transforme en un Office de Police Judiciaire auprès de la population. Les arrestations, les taxes illicites et la corruption se généralisent. La jungle s’installe...

L’obscurité due à l'absence d'éléctricité favorise la violence, les vols à mains armées, les viols et les agressions dans la commune. On compte un certain nombre de postes de police. Cela réduit le vol à mains armées mais renforce les arrestations arbitraires. La police considère les citoyens comme leur gagne pain. L’expression généralement prononcée par les militaires stipule que « civil aza monguna » c’est-à-dire « le civil est un ennemi ». Ceci traduit le climat dans lequel les garants de la sécurité deviennent les auteurs de l’insécurité. »

Depuis la publication de cette étude, certaines choses ont changé. La CTB est arrivée avec son programme PAIDECO (Programme d'Appui aux Initiatives de Développement Communautaire) et un nouveau bourgmestre nettement plus volontariste a été nommé. Malheureusement, la bonne volonté d'une poignée d'individus et l'appui de la coopération belge ne suffiront sans doute pas à sauver ce chancre de la désolation. Mais si on pouvait déjà ressusciter l'espoir...