A qui profite le crime?
L’économie congolaise est dans un piteux état. Ce n’est un secret pour personne. Pourtant, au moment de son indépendance, le Congo était plus riche que l’Afrique du Sud et les Congolais aiment à se rappeler le temps où les médecins Sud-Af’ venaient se spécialiser dans les écoles de Kinshasa. Aujourd’hui, ils ne jouent plus dans la même division. Un demi siècle d’erreurs et d’instabilité politiques ont mis au tapis un des pays potentiellement les plus riches de la planète. Ici, on dit que le tableau de Mendeleïev se trouve dans le sous-sol congolais. C’est un euphémisme ! Or, coltan, diamant, cobalt, cuivre, pétrole, etc. Les ressources naturelles du pays sont insolentes et pourtant…
Le premier coup porté à l’économie du pays remonte à une trentaine d’années avec la politique de « zaïrianisation » du président Mobutu. Du jour au lendemain, les étrangers ont été priés de remettre clés, comptes bancaires et véhicules de leurs entreprises aux nouveaux propriétaires zaïrois. De nos jours, un certain Mugabe trouve encore ce genre de confiscations tout à fait appropriées. Pourtant, dans la plupart des cas, ce qui devait être un processus d’appropriation de la richesse par les autochtones s’est transformé en véritable débâcle économique. Nombre de sociétés ont été dilapidées avant de disparaître du paysage. Le déclin pouvait alors commencer…
Vingt ans plus tard, deux vagues successives de pillages dévastatrices venaient porter le coup de grâce à un outil productif déjà fragilisé. Tout a été systématiquement dévalisé. Des entreprises en pagaille ont dû fermer leurs portes après s’être fait complètement dépouiller. Ces pillages de 1991 et 1993 ont semé la désolation mais ici, on dit qu’au fond du trou, y a encore moyen de creuser. Effectivement, le pire restait à venir. Quelques années de guerre et de réquisitions en tous genres se sont chargées de couler un pays qui s’était déjà noyé.
Aujourd’hui, le Congo a retrouvé une relative stabilité. L’espoir renaît. Pourtant, un certain nombre d’embûches semblent encombrer la route du redressement économique. Il semblerait que la léthargie dans laquelle se trouve le pays ne fasse pas que des malheureux. Certains acteurs se sont installés dans le sous-développement et ont vraisemblablement tout intérêt à y rester. La misère et plus encore l’immobilisme profitent généralement à quelques-uns.
On peut par exemple citer le cas de ces monopoles (béton, nourriture pour bétail, électricité…) qui abusent de leurs positions dominantes et dont la nuisance frise la caricature. Bec et ongle, ils défendent leurs avantages mal acquis au détriment de la population. Par tous les moyens (corruption, relations, intimidations…) la concurrence est asphyxiée avant même d’avoir pu exister.
Autre exemple, les effets pervers de « l’humanitaire» dont les premiers bénéficiaires ne sont pas toujours ceux qu’on croit. En effet, la présence massive d’ONG et d’organisations internationales dans la capitale profite beaucoup à quelques privilégiés. Depuis l’arrivée de la MONUC et de ses milliers casques bleus grassement payés (la plus importante mission de paix des Nations Unies à travers le monde), l’immobilier kinois a complètement perdu la tête. Les loyers des quartiers «résidentiels» ont crevé tous les plafonds. Une maison du centre-ville ne se loue pas moins de trois ou quatre mille dollars par mois sans que l’eau et l’électricité ne soient pour autant assurées. Le jackpot peut être encore bien plus important si on est l’heureux propriétaire d’un hangar ou d’une parcelle convoitée par une agence des Nations Unies. Les institutions multilatérales ont la réputation d’être d’excellents payeurs. Dans de telles conditions, la présence ONUsienne fait beaucoup d’heureux même s’il faut entretenir un conflit pour la légitimer. Toujours dans le même ordre d’idée, une dégradation des conditions de sécurité dans le pays signifie pour beaucoup d’expatriés une hausse simultanée de leur revenu à travers des primes de risques non négligeables. Quand on sait les sommes que cela représente, quelques tirs de kalachnikovs sont parfois les bienvenus.