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Du Cabiau à Kinshasa
2 août 2007

Au coeur des ténèbres...

femme_bukavu« The Heart of Darkness », voilà comment Joseph Conrad qualifiait le Congo en 1899 alors qu'il remontait le fleuve pour le compte du roi Leopold. Quels mots emploirait-il pour décrir l'horreur que l'on rencontre aujourd'hui dans l'Est du pays?

Le Congo est grand comme un continent. Plus de 1500km séparent Kinshasa de Bukavu et aucune route ne permet de traverser le pays de part en part. Ce qui se passe dans les provinces de l’Est ne bouleverse donc pas le quotidien de la capitale. C’est à peine si on y réalise qu’il s’agit du même pays. Pourtant les atrocités qui y sont perpétrées doivent de toute urgence être dénoncées.

Hier, alors que je lisais un communiqué de la MONUC, j’ai soudainement réalisé que 4500 viols avaient été recensés depuis mon arrivée au Congo. 4500 viols en six mois pour la seule province du Sud-Kivu … c’est 25 par jour … un viol toutes les heures !!! La véritable ampleur de l’horreur ? Personne ne la connaît. Dans ces régions reculées, la plupart des victimes sont inaccessibles, ont peur de porter plainte ou ne survivent pas aux agressions.

Yakin_Ert_rkYakin Ertürk, rapporteuse spéciale des Nations Unies en matière de violences sexuelles dit ne jamais avoir vu crise aussi grave. Le rapport qu’elle vient de remettre est effroyable :

« La plupart des cas de violence sexuelle au Sud-Kivu, d'après nos informations, sont perpétrés par des groupes armés non étatiques étrangers. Opérant dans la forêt, ces groupes armés attaquent les communautés locales, pillent, violent, emmènent les femmes et les filles comme esclaves sexuelles et les soumettent au travail forcé ».

femme_kivu« Les atrocités perpétrées par ces groupes armés sont d'une brutalité inimaginable, qui va bien au-delà du viol. Le viol et l'esclavage sexuel sont au coeur de ces atrocités qui visent la destruction physique et psychologique complète des femmes, avec toutes les conséquences que cela entraîne pour l'ensemble de la société ».

« À de nombreux égards, ces atrocités rappellent celles commises par l'Interahamwe pendant le génocide rwandais. Les femmes sont soumises à des viols collectifs brutaux, souvent devant leur propre famille ou leur communauté tout entière. Dans de nombreux cas, les hommes de la famille sont contraints, sous la menace d'une arme, de violer leur propre fille, leur mère ou leur soeur ».

« Après le viol, il est fréquent que les bourreaux tirent au fusil dans l'appareil génital de la femme ou qu'ils la poignardent dans cette partie de son corps. Plusieurs femmes, qui ont survécu à des mois d'esclavage, m'ont raconté que leurs tortionnaires les avaient forcées à manger les excréments ou la chair des membres de leur famille assassinés ».

« J'ai parlé avec une petite fille de 10 ans, qui avait été enlevée avec ses parents. Elle a dû subir une opération d'urgence, après que les tortionnaires aient brutalement enfoncé un bâton dans ses organes génitaux ».

… Comment cela est-il possible ?

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Commentaires
A
Je crois avoir été mal compris. S’il est vrai que la généalogie du mot « élite » peut être retracée en ligne droite au mot « élire », cela n’implique pas de facto que dans la réalité sociologique de la compréhension et de l’extension de ce mot, il y ait effectivement « choix ». Ainsi par exemple, en France, traditionnellement, l’élite provient des grandes écoles dont les critères de sélection, jusqu’à très récemment, ne pouvaient favoriser que les membres de certaines classes sociales bien déterminées : la bourgeoisie et la haute bourgeoisie. La boucle se bouclant sur elle-même, c’est la progéniture de ces diplômés qui pouvait espérer rentrer dans ces grandes écoles. Reproduction stable et assurée sur la longue durée. Des sociologies et des études de prospective, comme celles de Pierre Bourdieu, peuvent donc se faire sur cette « élite ». On voit déjà que même en France, on ne peut donc pas parler de « choix » ou d’« élection » mais d’un déterminisme sociologique… Chez nous, le problème se corse. Des sociologies du genre occidental ne peuvent se faire sur des formations sociales postcoloniales africaines fluides où l’on est en présence d’autres dynamiques. La grande dynamique chez nous c’est l’effritement de la souveraineté de l’Etat, avec l’accaparement des fragments de cette souveraineté par des groupes ou des individus dont la seule distinction est la possession des moyens de violence—traditionnellement le domaine de l’Etat-nation. En RDC, poser le problème en terme d’« élite » dans le sens d’une sociologie occidentale est donc mal poser son problème, c’est être hors-sujet. Car ceux qu’on pourrait considérer comme faisant partie de l’élite en Occident—par exemple, technocrates, professeurs d’université, politiciens, entrepreneurs dans leurs bureaux climatisés—sont très souvent sans influence significative chez nous… La preuve de cette hypothèse, c’est que la société civile, creuset de l’élite en Occident, est inexistante en Afrique… (Chantal, il est difficile de débattre de manière exhaustive de ce sujet trop riche dans le cadre étroit de ce site)…
C
Alex Engwete, <br /> <br /> Le mot "é"lite à la même racine - latine- que le mot "élu". Ce mot connote un choix, une élection. Il me semble bien qu'à Kinshasa il y aie quand même des élites, choisies récemment. Je suis surprise que l'on attribue ici ce concept qu'aux occidentaux, ou au monde occidental... Je ne prends pas partie. Je suis juste surprise que cette opinion vienne d'un enfant du pays... Quant à dire qu'il n'y a pas d'élites dans l'Est de ce pays, là, je vous en laisse juste juge.
A
Francis, vous dites : « Mais hélàs [sic] ! Beaucoup ont d'ailleurs été assassinés pour les empêcher de dénoncer (Serge Maheshe, Franck Ngike, Kangulungu, etc.) La liste est longue ». Ne donnons pas non plus dans la surenchère… Qu’est-ce qui nous prouve que les journalistes assassinés que vous énumérez ont été tués pour les empêcher de dénoncer quoi que ce soit ? Qui nous dit qu’il ne s’agit pas là tout simplement d’un crime crapuleux comme il s’en commet des milliers dans nos villes démunies de protection policière mobile adéquate ? Un de mes amis d’enfance, haut cadre à Kinshasa, a été abattu à coup de balles en juillet 2005 dans sa voiture au Quartier Bon Marché parce qu’il avait tout simplement refusé de donner son téléphone mobile au gueux qui le lui réclamait. Il se fait qu’il était en compagnie d’une copine qui a heureusement survécu à l’attaque… Avant même que mon regretté copain n’expire, il se racontait partout à Kinshasa qu’il était l’objet d’un règlement de comptes à cause justement de sa liaison avec la survivante. La pauvre femme a dû entrer dans la clandestinité pour éviter de se faire tuer par certains membres de la famille de mon ami. D’autres membres de cette même famille suspectaient le frère cadet de mon copain d’avoir « orchestré » cet assassinat de son propre frère par sorcellerie !... Allez donc comprendre !... Voilà où nous mène la culture des rumeurs. On doit sans tarder changer cette mentalité et incorporer, avant de nous lancer dans des affirmations gratuites, le principe journalistique de documentation précise (avec preuves à l’appui) des 6 questions suivantes : « Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Pourquoi ? Comment ? »
A
Faisons attention à des outils analytiques de sociologie occidentale comme « intellectuels » ou « élite » qui, je le crains, s’avèrent peut-être décalés si l’on veut les appliquer à des formations sociales africaines en général ou congolaises en particulier. Le premier dictionnaire de sociologie qui nous tomberait sous la main définirait « élite » comme « un groupe de gens considérés comme supérieurs dans une société ou une organisation particulière ». Qui seraient donc ces personnes « supérieures » dans l’Est du Congo pour le cas d’espèce ? Des technocrates ? Des leaders innovateurs de l’industrie ou des affaires ? Des « intellectuels » qui sont à la pointe des connaissances dans leur domaine des sciences fondamentales, appliquées ou humaines ? Des hommes d’Etat soucieux du bien-être de la Cité ? Bien sûr que non… Là-bas, à l’Est de la République et peut-être même dans tout le reste du pays, ce que vous appelez abusivement « élite » est un groupe de bandits à main armée dont la seule motivation est le pillage des ressources avec, en prime, le terrorisme sexuel. Le seul outil idéologique de ces sanguinaires est le Kalachnikov-47. Dans l’esprit du vieil adage swahili : « Mwenye bunduki sulutani ya barabara » (Qui détient un fusil est maître du sentier). Ce n’est pas une exception, c’est bien la règle qui définit la postcolonialité africaine…
F
C'est horrible, ce qui se passe à l'Est. Ne croyons pas que l'élite congolaise est indifférente à cette barbarie.Beaucoup de congolais (élites ou non) ont denoncé cette sauvagerie et continuent à le faire. Les congolais s'expriment sur ce fait: théâtre, musique, médias, éducation, etc. Mais hélàs! Beaucoup ont d'ailleurs été assassinés pour les empêcher de dénoncer (Serge Maheshe, Franck Ngike, Kangulungu, etc.) La liste est longue.<br /> <br /> Quelqu'un avait dit que l'hômme est un animal pensant. Mais à lire ce qui se passe au Kivu, je dirais: l'Hômme est un animal à deux pattes.
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