Au coeur des ténèbres...
« The Heart of Darkness », voilà comment Joseph Conrad qualifiait le Congo en 1899 alors qu'il remontait le fleuve pour le compte du roi Leopold. Quels mots emploirait-il pour décrir l'horreur que l'on rencontre aujourd'hui dans l'Est du pays?
Le Congo est grand comme un continent. Plus de 1500km séparent Kinshasa de Bukavu et aucune route ne permet de traverser le pays de part en part. Ce qui se passe dans les provinces de l’Est ne bouleverse donc pas le quotidien de la capitale. C’est à peine si on y réalise qu’il s’agit du même pays. Pourtant les atrocités qui y sont perpétrées doivent de toute urgence être dénoncées.
Hier, alors que je lisais un communiqué de la MONUC, j’ai soudainement réalisé que 4500 viols avaient été recensés depuis mon arrivée au Congo. 4500 viols en six mois pour la seule province du Sud-Kivu … c’est 25 par jour … un viol toutes les heures !!! La véritable ampleur de l’horreur ? Personne ne la connaît. Dans ces régions reculées, la plupart des victimes sont inaccessibles, ont peur de porter plainte ou ne survivent pas aux agressions.
Yakin Ertürk, rapporteuse spéciale des Nations Unies en matière de violences sexuelles dit ne jamais avoir vu crise aussi grave. Le rapport qu’elle vient de remettre est effroyable :
« La plupart des cas de violence sexuelle au Sud-Kivu, d'après nos informations, sont perpétrés par des groupes armés non étatiques étrangers. Opérant dans la forêt, ces groupes armés attaquent les communautés locales, pillent, violent, emmènent les femmes et les filles comme esclaves sexuelles et les soumettent au travail forcé ».
« Les atrocités perpétrées par ces groupes armés sont d'une brutalité inimaginable, qui va bien au-delà du viol. Le viol et l'esclavage sexuel sont au coeur de ces atrocités qui visent la destruction physique et psychologique complète des femmes, avec toutes les conséquences que cela entraîne pour l'ensemble de la société ».
« À de nombreux égards, ces atrocités rappellent celles commises par l'Interahamwe pendant le génocide rwandais. Les femmes sont soumises à des viols collectifs brutaux, souvent devant leur propre famille ou leur communauté tout entière. Dans de nombreux cas, les hommes de la famille sont contraints, sous la menace d'une arme, de violer leur propre fille, leur mère ou leur soeur ».
« Après le viol, il est fréquent que les bourreaux tirent au fusil dans l'appareil génital de la femme ou qu'ils la poignardent dans cette partie de son corps. Plusieurs femmes, qui ont survécu à des mois d'esclavage, m'ont raconté que leurs tortionnaires les avaient forcées à manger les excréments ou la chair des membres de leur famille assassinés ».
« J'ai parlé avec une petite fille de 10 ans, qui avait été enlevée avec ses parents. Elle a dû subir une opération d'urgence, après que les tortionnaires aient brutalement enfoncé un bâton dans ses organes génitaux ».
… Comment cela est-il possible ?